"Une grande avancée pour la citoyenneté économique." C'est en ces termes que le ministre de l'Economie Pierre Moscovici salué la promulgation de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Des citoyens-consommateurs ? Le texte va en tout cas "améliorer le quotidien des Français" et permettre de redistribuer "1,5 milliard d'euros de pouvoir d'achat aux Français", a assuré le ministre, mercredi 19 mars, lors d'une conférence de presse avec le père de cette loi, le ministre délégué à la Consommation, Benoît Hamon.
La loi entend rééquilibrer les relations entre consommateurs et entreprises ou entre professionnels dans le cadre des négociations commerciales. La mesure la plus emblématique est l'action de groupes. "D'autres ont cédé face à tel ou tel lobby", s'est félicité Pierre Moscovici. L'objectif sera de permettre à une des quinze associations de consommateurs agréées au niveau national de mener une action contre des pratiques anticoncurrentielles. "Une entente entre entreprises a pour conséquence de renchérir de 25% en moyenne le prix payé par le consommateur pour un bien ou un service", peut-on lire sur le dossier de presse de Bercy. Dès cette année, les consommateurs ainsi surfacturés pourront obtenir le remboursement de ce surcoût par l'entreprise. Mais le hasard fait que la loi est promulguée au moment du retour à trois opérateurs dans la téléphonie mobile, avec le rachat de SFR par le câblo-opérateur Numericable. Certes, pas exactement dans les conditions voulues par le ministre du Redressement productif qui n'avait pas hésité à montrer sa préférence pour Bouygues. Cependant cette re-concentration va à l'encontre de l'esprit même de la loi qui, comme l'a rappelé Pierre Moscovici, vise à "stimuler la concurrence". Le gouvernement sera "vigilant sur trois paramètres" a cependant assuré le ministre : "l'emploi, l'investissement et la question des consommateurs et des tarifs".
Indications géographiques protégées
L'autre motif de satisfaction du gouvernement est la diminution à venir du coût de l'assurance emprunteur contractée auprès de la banque au moment de la demande de prêt immobilier. Selon Bercy, l'assurance emprunteur représente aujourd'hui un tiers du coût total du crédit. La loi donnera désormais un an à l'emprunteur, à partir de la signature de son prêt, pour passer un nouveau contrat d'assurance auprès de la compagnie de son choix. Pour un crédit de 300.000 euros sur vingt ans, le gain serait de 9.000 euros. "200 millions d'euros de pouvoir d'achat" seront rendus au consommateur, a assuré Benoît Hamon. Une hypothèse qui repose sur une estimation d'une baisse des taux d'au moins 0,15 point et qui sera amortie par la hausse des droits de mutation dans les deux tiers des départements, de 3,8 à 4,5% cette année. Or, selon la chambre des notaires de Paris, pour un bien d'une valeur de 200.000 euros, il faudra débourser plus de 1.400 euros de plus. Mais Pierre Moscovici a concentré ses tirs sur les tarifs des notaires (dont la rémunération représente environ 1,33% des ventes immobilières) : "Keynes parlait de l'euthanasie des rentiers", s'est-il risqué, en promettant des mesures prochaines sur les professions réglementées.
La loi Consommation comprend par ailleurs une batterie de mesures sectorielles destinées à renforcer les droits des consommateurs, comme la possibilité de se procurer des tests de grossesse et ses lentilles de contacts en grande surface, ou encore des facilités pour acheter ses lunettes sur internet. Les montures coûtent jusqu'à 70% moins cher qu'en magasin, argue Bercy, sans qu'on sache où ces montures seront fabriquées. Pour le "patriotisme économique" cher à Arnaud Montebourg, il faudra s'en remettre aux indications géographiques protégées (IGP) étendues par la loi aux produits manufacturés. Porcelaine de Limoges, dentelle du Puy, dentelle de Calais, linge basque, faïence de Quimper, granits de Bretagne : autant de produits qui pourront être protégés. Avec la loi, ce sont les professionnels qui feront la demande de création d'une IGP en élaborant ensemble un cahier des charges. Les collectivités territoriales pourront leur apporter un soutien juridique et financier. Le cahier des charges sera ensuite adressé à l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi). La loi vise aussi à mieux protéger le nom des collectivités : "Toute collectivité territoriale ou tout établissement public de coopération intercommunale peut demander à l'Institut national de la propriété industrielle d'être alerté en cas de dépôt d'une demande d'enregistrement d'une marque contenant sa dénomination", indique le texte. Les conditions seront fixées par décret.
L'enjeu des IGP pour l'emploi local n'est pas anodin : la seule porcelaine de Limoges emploie quelque 1.500 personnes. Le gouvernement espère ainsi enclencher un mouvement de relocalisation. La protection des consommateurs passera aussi la mention du "fait maison" obligatoire dans les restaurants, ainsi que par l'obligation d'indiquer le pays d'origine pour tous les produits à base de viande. Une disposition qui devra toutefois être validée par la Commission européenne.
1.500 contrats de concessions de parkings
La loi s'attaque par ailleurs aux "indications relatives aux services publics", c'est-à-dire ces publicités pour prestations de dépannage, de plomberie, ou autre, mises dans les boîtes aux lettres et pouvant laisser penser qu'elles proviennent de la mairie. Les contrevenants s'exposeront à une amende pouvant aller jusqu'à 100.000 euros.
Le gouvernement a également souhaité s'en prendre à toutes sortes de frais injustifiés : frais de transfert de dossier dans les auto-écoles, surcoûts des fournisseurs de télécom, d'eau ou d'énergie, surfacturations dans les maisons de retraite (voir ci-contre notre article de ce jour). Dans cet esprit, la loi instaure le tarif de parking au quart d'heure et non plus à l'heure. 1.500 contrats de concessions de parkings seront renégociés entre les entreprises et les collectivités, indique Bercy.
Une autre mesure vise à réduire les délais de paiement entre entreprises. Elle "rendra près de 15 milliards d'euros de trésorerie aux PME", a déclaré le ministre de l'Economie. Alors que les marges de la grande distribution n'ont cessé d'augmenter au fil des ans sur le dos des producteurs, la loi vise à rééquilibrer les relations commerciales. "Face à un mastodonte de la grande distribution, que peut un petit producteur artisanal ?", a déclaré Pierre Moscovici, quelques jours à peine après la clôture des négociations commerciales entre fournisseurs et enseignes de la distribution, qui se sont avérées particulièrement tendues cette année.
La loi entend enfin responsabiliser les banques en matière de crédit à la consommation. Elle est cependant amputée du "fichier positif" pour les surendettés, après la censure du Conseil constitutionnel, le 13 mars (voir ci-contre notre article du 14 mars 2014). C'est une "déception", a déclaré Pierre Moscovici, "un combat dans lequel nous nous sommes très fortement impliqués". "Notre intention politique est de ne pas baisser les bras et de trouver une solution", a-t-il assuré.
Au-delà de toutes ces mesures, la loi renforce les pouvoirs de sanction de l'administration : perquisitions en entreprises, possibilité pour les agents de la répression des fraudes de jouer les "clients mystères"…
L'essentiel des articles de la loi seront appliqués dès cette année, a déclaré Benoît Hamon.
Michel Tendil
Référence : loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
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